dimanche 15 avril 2012

roger toupin


je ne dis pas     je suis né
je dis que je suis venu au monde
je le dis criant comme un premier cri de premier né
pardon
de premier au monde venu
     la première fois que le monde est venu à moi
     c'était à pattes grand écartées
     à bras ombiliqués dix tours autour du cou
pauvre bébé
y a les yeux croches




à la marchette de grande enfance
on pleure les mouvances à la canne d'une p'tite adolescence
« on s'attache pareil à des places comme ça, tsé veut dire »
6 dans un 2 1/2
et vroum zoum le bazou bye bye ma minoune
parce que c'est comme ça
« c'est la vie
on a pas le choix »
les amis les frères les cafés à une demie piasse
les lifts à bicycle l'afteur-messe du dimanche
ça mouve
toute ça, ça mouve
sauf nestor mais nestor c'est nestor

les cafés roussis
les bananes en marshmallow
les ruines-babines
astheure c'toute en ruines
ça se ramanche pas des parlures de la sorte
astheure on peut rien que dire que ce sontaient des donc belles couleurs plus belles qu'astheure
« et voilà »
« fallait que ça se fasse »
« c'est faite »

vendue ma dernière relique mon dernier souvenir

« et voilà »
« fallait que ça se fasse »
« c'est faite »
hoche la tête ma mère dans son mutisme de vieille enfant
de gros bébé mourant sa tête hoche ma mère
c'est son dernier samouiche au jambon 
« quand y fait chaud c'est bon »

c'est son dernier souper
ma mère
maria

aujourd'hui les redevances éternelles
les morts meurent
et je nourris ma vétérane du mieux de ce que je lui dois
« j'y r'donne son change »
c'est elle qui a popoté la venue du monde en moi
j'y vaux bin un verre de jus rouge
100g de bonbons dans un sac en papier brun
une marche dans le corridor
pis une catin pour qu'elle catine jusqu'à la mort

je dis pas qu'elle va mourir
même si on arrache le nom de mon père au scrapeur
je dis pas qu'elle va mourir
je dis pas mieux j'y ai pas l'coeur
« on a pas le choix »
que je dis
mon coeur est à mon ventre mon coeur est à l'ouvrage
« jette pas ça »
« jette pas ça tu suite »
« pas tu suite ! »

faisons encore un peu sonner les violons
les décédés s'estompent à force de migration
le visage embriqué a changé d'ombrage je ne le vois plus
le nuage souriant demeure
ma mère nuageuse sous peu
demeurera souriante
et moi aussi
« pas le choix »



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